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La logique LES PROLÉGOMÈNES (L’introduction ou al mukadima) D’IBN KHALDOUN

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La logique

La logique est un système de règles au moyen desquelles on dis­cerne ce qui est bon d’avec ce qui est défectueux, tant dans les p.150 définitions employées pour faire connaître [1] ce que sont les choses [2], que dans les arguments qui conduisent à des propositions affirmatives (ou jugements). Expliquons cela : la faculté perceptive a pour objet les perceptions obtenues par les cinq sens ; elle est commune à tous les animaux tant irrationnels que doués de raison, et, ce qui fait la diffé­rence entre les hommes et les autres animaux, c’est la faculté d’aper­cevoir les universaux, idées qui s’obtiennent par le dépouillement (ou abstraction) de celles qui proviennent des sens. Voici (comment cela se fait) : l’imagination tire, des individus d’une même classe [3], une forme (ou idée) qui s’applique également à eux tous, c’est‑à‑dire un universel ; ensuite l’entendement compare cette catégorie d’individus avec une autre qui lui ressemble en quelques points et qui est com­posée aussi d’individus d’une même classe, et aperçoit ainsi une forme *109 qui s’adapte à ces deux catégories, en ce qu’elles ont de commun. Il continue cette opération de dépouillement jusqu’à ce qu’il remonte à l’universel, qui ne s’accorde avec aucun autre universel, et qui est, par conséquent, unique.
Ainsi, par exemple, si l’on dépouille l’espèce humaine de la forme qui l’embrasse en entier, afin de pouvoir envisager l’homme comme un animal ; puis, si on enlève à ces deux classes d’êtres leur forme com­mune afin de pouvoir les [4] comparer avec les plantes [5], et que l’on poursuive ce dépouillement, on arrivera au genre le plus élevé (de la série), c’est‑à‑dire à la matière qui n’a rien de conforme avec au­cun autre universel. L’intelligence, ayant poussé jusqu’à ce point, suspend l’opération de dépouillement.
Disons ensuite que Dieu a créé la réflexion dans l’homme afin que celui-ci ait la faculté d’acquérir des connaissances et d’apprendre les arts. Or les connaissances consistent, soit en concepts (ou simples p.151 idées), soit en affirmations (ou propositions). Le concept, c’est la per­ception des formes des choses (littéralement : des formes des quiddités), perception simple qui n’est accompagnée d’aucun jugement. L’affir­mation, c’est, l’acte par lequel on affirme une chose d’une autre. Aussi, quand la réflexion essaye d’obtenir les connaissances qu’elle recherche, ses efforts se bornent à joindre un universel à un autre par la voie de la combinaison, afin d’en tirer une forme universelle qui soit com­mune à tous les individus qui sont du dehors, forme recueillie par l’en­tendement et faisant connaître la quiddité (ou nature) de ces individus, ou bien elle (la réflexion) juge d’une chose en la comparant avec une autre. Cette dernière opération s’appelle affirmation et revient en réalité à la première ; car, lorsqu’elle a lieu, elle procure la connaissance de la nature réelle des choses, ainsi que cela est exigé par la science qui s’occupe des jugements. Ce travail de l’entendement peut être bien ou mal dirigé ; aussi a‑t‑on besoin d’un moyen qui fasse dis­tinguer la bonne voie de la mauvaise, de sorte que la réflexion *110 prenne la bonne quand elle cherche à obtenir [6] des connaissances. Ce moyen se trouve dans le système de (règles qui se nomme) la logique.
Les anciens traitèrent d’abord ce sujet par pièces [7] et par morceaux, sans chercher à en régulariser les procédés et sans essayer de réu­nir ni les questions qu’il traite ni les parties dont il se compose. Ce travail ne se fit qu’à l’époque où Aristote parut chez les Grecs. Ce philosophe l’accomplit et plaça la logique en tête des sciences philosophiques, afin qu’elle leur servît d’introduction. Elle s’appela, pour cette raison, la science première. L’ouvrage qu’Aristote lui con­sacra s’intitule Kitab el‑Fass (le joyau) [8] ; il se compose de huit livres, p.152 dont quatre ont pour sujet la forme (ou théorie) et cinq [9] la matière (ou application) du syllogisme.
Pour comprendre cela, il faut savoir que les jugements qu’on cherche à se former sont de plusieurs espèces [10] : les uns sont certains, par leur nature, et les autres sont des opinions plus ou moins pro­bables. On peut donc envisager le syllogisme (sous deux points de vue : d’abord) dans ses rapports avec le problème dont il doit donner la solution, et alors on examine quelles sont les prémisses qu’il doit avoir dans ce cas, et voir si la réponse qu’on cherche appartient à la catégorie de la science ou à celle de la spéculation ; ou bien on le considère, non pas dans les rapports qu’il peut avoir avec [11] un cer­tain problème, mais dans le mode de formation qui lui est particu­lier. Dans le premier cas, on dit du syllogisme qu’il s’envisage sous le point de vue de la matière, c’est‑à‑dire de la matière qui donne nais­sance au résultat qu’on cherche, résultat qui peut être, soit une certi­tude, soit une opinion. Dans le second cas, on dit que le syllogisme s’envisage sous le point de vue de la forme et sous celui de la ma­nière de sa construction en général.
Voilà pourquoi les livres de la logique (l’Organon) sont huit en nombre. Le premier traite des genres supérieurs, genres au‑dessus desquels il n’y en a point d’autre, et que l’on parvient à connaître en écartant les (formes des) choses sensibles qui se trouvent dans l’entendement. Ce livre a pour titre Kitab el‑Macoulat (le livre des prédicaments ou catégories). Le second a pour sujet les jugements affirmés et leurs espèces. Il se nomme Kitab el‑Eïbara (livre de l’ex­pression, hermeneia). Le troisième traite du syllogisme (kïas) en géné­ral *111 et du mode de sa formation. Il s’appelle Kitab el‑Kïas (livre de p.153 l’analogie ou premiers analytiques). Il est le dernier de ceux dans les­quels la logique s’envisage quant à sa forme. Le quatrième est le Kitab el‑Borhan (livre de la démonstration, les derniers analytiques). Il traite du syllogisme qui produit la certitude, montre pourquoi les pré­misses du syllogisme doivent être des vérités certaines, et fait con­naître d’une manière spéciale les autres conditions dont l’observance est de rigueur quand on veut arriver à la certitude. Ces conditions y sont nettement indiquées : ainsi, par exemple, les prémisses doivent être (des vérités) essentielles et premières. Dans ce même livre, il est question des connaissances et des définitions. Selon les anciens (phi­losophes), ces matières y ont été traitées spécialement parce qu’elles (les prémisses) s’emploient pour obtenir la certitude, et cela dépend de la conformité de la définition avec la chose définie, conformité qu’aucune autre condition ne saurait remplacer. Le cinquième livre s’intitule Kitab el‑Djedl (livre de la controverse, les topiques). Il in­dique le genre de raisonnement qui sert à détruire les propositions captieuses, à réduire au silence l’adversaire et à faire connaître les arguments probables dont on peut faire usage. Pour mener à ce but, le même livre spécifie quelques autres conditions indispensables. Il indique aussi les lieux d’où celui qui s’engage dans une discussion doit tirer ses arguments, en désignant le lien qui réunit les deux ex­trêmes du problème qu’il s’agit de résoudre, lien qui s’appelle le terme moyen. On trouve dans ce même traité ce qui regarde la con­version des propositions. Le sixième livre est intitulé Kitab es‑Sofista (livre du sophisme, réfutation des sophistes). Le sophisme est l’argu­ment dont on se sert pour démontrer ce qui est contraire à la vérité et pour tromper son adversaire ; il est mauvais quant à son but et à son objet, et, si on l’a pris pour le sujet d’un traité, cela a été uni­quement pour faire voir ce que c’est que le raisonnement sophistique et pour empêcher l’auditeur de donner dans ce piège. Le septième livre est le Kitab el‑Khatâba (livre de l’allocution, la rhétorique). Il in­dique le (genre de) raisonnement que l’on doit employer dans le but de passionner son auditoire et de l’entraîner à faire ce qu’on veut p.154 obtenir de lui. Il fait aussi connaître les formes du discours qu’il faut lui tenir pour cet objet. Le huitième livre est le Kitab es‑Chïar (livre de la poésie, la poétique). Il montre le procédé analogique qui fait trouver des comparaisons et des similitudes servant, d’une manière *112 spéciale, à porter les hommes vers une chose ou à les en éloigner ; il indique aussi les raisonnements qui s’y emploient et qui se tirent de l’imagination. Voilà les huit livres de logique reconnus par les anciens.
Plus tard, quand on eut ramené cet art à un système régulier et bien ordonné, les philosophes [12] d’entre les Grecs sentirent la nécessité d’un ouvrage traitant des universaux, au moyen desquels on acquiert la connaissance des formes qui correspondent aux choses (littéral. « aux quiddités ») du dehors, ou bien aux parties de ces choses, ou bien à leurs accidents. Il y a cinq universaux : le genre, l’espèce, la différence [13], la propriété et l’accident général. Pour réparer cette omis­sion, ils composèrent (c’est‑à‑dire Porphyre composa) un traité spé­cial qui devait servir d’introduction à cette branche de science. Ce fut ainsi que le nombre des livres (qui forment l’Organon) se trouva porté à neuf. On les traduisit (en arabe) quand l’islamisme était déjà établi, et les philosophes musulmans entreprirent d’en faire des com­mentaires et des abrégés. C’est ce que firent El-Farâbi, Ibn Sîna (Avi­cenne) et, plus tard, Ibn Rochd (Averroès), philosophe espagnol [14]. Le Kitab es‑Chefa d’Ibn Sîna renferme l’exposition complète des sept sciences philosophiques [15].
Les savants d’une époque plus moderne changèrent le système conventionnel de la logique, en ajoutant à la partie qui renferme l’exposition des cinq universaux les fruits qui en dérivent, c’est‑à-dire le traité sur les définitions et les descriptions [16], traité qu’ils p.155 détachèrent du Livre de la Démonstration. Ils supprimèrent le Livre des Prédicaments pour la raison que ce traité n’est pas spécialement con­sacré aux problèmes de la logique et qu’il ne les aborde que par hasard. Ils insérèrent dans le Livre de l’Expression le traité de la con­version des propositions, bien que, chez les anciens, il fît partie du Livre de la Controverse. Cela eut lieu pour la raison que ce traité est, à quelques égards, une suite du livre qui a pour sujet les ju­gements. Ensuite ils envisagèrent le syllogisme sous un point de vue général, comme moyen (pratique) d’obtenir la solution des pro­blèmes, et abandonnèrent l’usage de le considérer quant à sa ma­tière (c’est‑à‑dire comme une simple théorie). Aussi laissèrent‑ils de côté cinq livres : ceux de la Démonstration, de la Controverse, de l’Al­locution, *113 de la Poétique et du Sophisme. Quelques‑uns d’entre eux ont pris connaissance de ces livres, mais d’une manière très superficielle ; (et nous pouvons dire qu’en général) ils les ont négligés au point qu’ils semblent en avoir ignoré l’existence. Ces traités forment cependant une partie importante et fondamentale de la logique.
Plus tard, (les docteurs) commencèrent à discourir très longue­ment sur les ouvrages de cette classe, et, dans leurs dissertations prolixes et diffuses, ils envisagèrent cet art, non pas comme l’ins­trument au moyen duquel on obtient des connaissances, mais comme une science sui generis. Le premier qui entra dans cette voie fut Fakhr ed‑Dîn Ibn el‑Khatîb ; le docteur Afdal ed‑Dîn el‑Khouendji [17] suivit son exemple dans plusieurs écrits qui font aujourd’hui autorité chez les Orientaux. Son Kechf el‑Asrar (secrets dévoilés) est un ouvrage p.156 très étendu, et son abrégé du Moudjez (ou compendium de la logique d’Avicenne) est bon comme livre d’enseignement. Son abrégé du Djo­mel [18], remplissant quatre feuillets et embrassant le système entier de la logique et les principes de cet art, continue jusqu’à nos jours à ser­vir de manuel aux étudiants et à leur être d’un grand secours. L’é­tude des livres des anciens et de leurs méthodes fut alors abandonnée ; ce fut comme si ces ouvrages n’avaient jamais existé, et cependant ils renfermaient tous les fruits et toutes les connaissances utiles que la logique peut fournir. C’est là une remarque que nous avons faite plus haut. Au reste, Dieu dirige vers la vérité.
Les anciens musulmans [19] et les premiers docteurs scolastiques désapprouvèrent hautement l’étude de la logique et la condamnèrent avec une sévérité extrême ; ils la prohibèrent comme dangereuse et défendirent à qui que ce fût d’apprendre cet art ou de l’enseigner. Mais leurs successeurs, à partir d’El‑Ghazzali et de l’imam Ibn el­-Khatîb, se relâchèrent un peu de cette rigueur, et dès lors on s’y ap­pliqua avec ardeur. Un petit nombre de docteurs continue toutefois à pencher vers l’opinion des anciens, à montrer de la répugnance pour la logique et à la repousser de la manière la plus formelle. Nous allons exposer les motifs qui portaient les uns à favoriser cette étude, et les autres à la désapprouver, et nous ferons ainsi connaître les résultats auxquels ont abouti les doctrines professées par les sa­vants (des deux classes).
*114 Les théologiens qui inventèrent la scolastique, ayant eu pour but de défendre les dogmes de la foi par l’emploi de preuves intellec­tuelles, adoptèrent pour bases de leur méthode un certain nombre d’arguments d’un caractère tout particulier, et les consignèrent dans p.157 leurs livres. Ainsi, pour démontrer la nouveauté (ou non‑éternité, a parte ante) du monde, ils alarmèrent l’existence des accidents et leur nou­veauté ; ils déclarèrent qu’aucun corps n’en était dépourvu, et en ti­rèrent cette conséquence, savoir, que ce qui n’est pas dépourvu de nouveautés (ou d’accidents non‑éternels) est lui-même nouveau (non­-éternel). Ils mirent en avant l’argument de l’empêchement mutuel pour démontrer l’unité de Dieu [20] ; ils se servirent des quatre liens qui at­tachent l’absent au présent [21] pour démontrer l’éternité des attributs.
Leurs livres renferment plusieurs autres arguments de cette na­ture. Voulant ensuite appuyer leurs raisonnements sur une base solide, ils dressèrent un système de principes qui devait leur servir de fondement et d’introduction. Ils affirmèrent, par exemple, la réa­lité de la substance simple (des atomes), l’instantanéité du temps (c’est-à‑dire que les temps se composent d’une série d’instants), et l’exis­tence du vide [22]. Ils rejetèrent (l’opinion que) la nature (formait une loi immuable) et (celle de) la liaison intelligible des quiddités entre elles (niant ainsi la causalité). Ils déclarèrent que l’accident ne dure pas deux instants de temps (mais qu’il est créé de nouveau à chaque instant par la puissance toujours active de Dieu), et enseignaient que l’état, envisagé comme une qualité propre à tout ce qui existe, n’est ni existant p.158 ni non existant [23]. C’était sur ces principes et sur quelques autres qu’ils fondaient les arguments spéciaux dont ils se servaient.
Cette doctrine était déjà établie quand le cheïkh Abou ’l-Hacen (el­-Achari) et le cadi Abou Bekr (el‑Bakillani) et l’ostad (ou maître) Abou Ishac (el‑Isferaïni) enseignèrent que les arguments servant à prouver les dogmes étaient inverses (rétroactifs), c’est‑à‑dire que, si on les déclarait nuls, on admettait la nullité de ce qu’ils devaient démontrer. Aussi le cadi Abou Bekr regarda‑t‑il ces arguments comme tout aussi sacrés que les dogmes mêmes, et déclara‑t‑il qu’en les attaquant on attaquait les dogmes dont ils formaient la base.
Si nous examinons, toutefois, la logique, nous voyons que cet art roule entièrement sur le principe de la liaison intelligible (c’est-à‑dire que l’intelligence aperçoit d’une manière évidente qu’il y a liaison réelle entre la cause et l’effet) et sur celui de la réalité de l’universel naturel du dehors (les universaux objectifs), auquel doit cor­respondre l’universel (subjectif) qui est dans l’entendement et qui se partage en cinq parties bien connues, savoir : le genre, l’espèce, *115 la différence, la propriété et l’accident général. Mais les théologiens scolastiques regardaient cela comme faux et enseignaient que p.159 l’universel et l’essentiel étaient de simples concepts [24], n’ayant rien qui leur correspondît en dehors de l’entendement ; ou bien, disaient‑ils, ce sont des états [25]. La dernière opinion était, celle des scolastiques qui admettaient la doctrine des états. De cette manière se trouvaient anéantis les cinq universaux, les définitions dont ils sont les bases, les dix catégories et l’accident essentiel. Cela entraînait la nullité des propositions nécessaires et essentielles (les axiomes ou premiers prin­cipes), celles dont les caractères sont spécifiés, selon les logiciens, dans le Livre de la Démonstration (les derniers analytiques). La cause intelligible [26] disparaissait aussi, ce qui ôtait toute valeur au Livre de la Démonstration et amenait la disparition des lieux qui forment le sujet principal du Livre de la Controverse (les topiques), et dans les­quels on cherche le moyen qui sert à réunir les deux extrêmes du syl­logisme. Ainsi rien ne restait (de la logique), excepté le syllogisme formel (l’enthymème). D’entre les définitions (disparut) celle qui est également vraie pour tous les individus de la (catégorie) définie ; définition qui, n’étant ni trop générale ni trop restreinte, n’admet pas des individus étrangers à cette catégorie et n’en exclut aucune qui y appartienne. C’est la définition que les grammairiens appellent réunion et empêchement, et que les scolastiques désignent par le terme généralisation et conversion [27]. De cette façon on renversait toutes les colonnes de la logique.
p.160 Si (au contraire) nous admettons ces principes avec les logiciens, nous anéantissons une grande partie des principes que les scolas­tiques adoptèrent pour servir d’introduction à leurs doctrines, et cela amènerait nécessairement la ruine des preuves [28] au moyen des­quelles ils cherchèrent à démontrer la vérité des dogmes, ainsi que nous l’avons déjà dit. Aussi, les anciens scolastiques condamnèrent-ils absolument l’étude de la logique et déclarèrent que l’emploi de cet art était, soit une hérésie, soit un acte d’infidélité, selon le genre de preuve que l’on détruisait par son moyen.
Les scolastiques plus modernes, à partir d’El‑Ghazzali, (chan­gèrent d’opinion) ; ayant consenti à reconnaître que les preuves des dogmes n’étaient pas inverses, et que la nullité de la preuve n’en­traînait pas celle de la chose prouvée, s’étant aussi convaincus que *116 les logiciens avaient raison en ce qui regarde la liaison intelligible, l’existence des catégories [29] naturelles et l’existence des universaux en dehors de l’entendement, ils déclarèrent que la logique n’était pas contraire aux dogmes de l’islamisme, bien qu’elle n’admît pas certaines preuves qui avaient servi à démontrer ces dogmes. Ils al­lèrent même plus loin, et trouvèrent des arguments pour détruire un grand nombre des principes, qui formaient la base de la scolastique (ancienne). Aussi finirent‑ils par nier l’existence de la substance simple (les atomes) et du vide, et par admettre la durée de l’acci­dent, etc. Pour remplacer les principes qu’on avait employés (jus­qu’alors) dans le but de prouver la vérité des dogmes, ils en adoptèrent d’autres dont ils avaient reconnu l’exactitude par la spéculation et par le raisonnement. Ils déclarèrent même qu’en faisant ainsi ils ne por­taient aucune atteinte aux dogmes orthodoxes. El-Ghazzali professait la nouvelle doctrine, et ses disciples, jusqu’à nos jours, ne l’ont pas abandonnée.
Quand le lecteur aura considéré ce que nous venons d’exposer, il pourra distinguer à quelles sources les hommes savants (dans cette p.161 partie) ont puisé leurs doctrines et de quels lieux ils les ont tirées. Dieu est le guide dont le concours mène à la vérité.




[1] Pour ﺔﻔﻮﺭﻌﻣﻠﺍ , lisez ﺔﻔﺭﻌﻣﻠﺍ  avec les ma­nuscrits C et D, l’édition de Boulac et la traduction turque.
[2] Littéral. « pour faire connaître les quiddités ».
[3] Littéral. « conformes ».
[4] Je lis ﺎﻣﻬﻨﻳﺒ avec l’édition de Boulac.
[5] Pour ﺎﺒﻨﻠﺍ , lisez ﺕﺎﺒﻨﻠﺍ avec les ma­nuscrits, l’édition de Boulac et la traduc­tion turque.
[6] Les ma­nuscrits C et D, l’édition de Boulac et la traduction turque nous autorisent à remplacer ﺢﻴﺤﺼﺘ par ﻞﻴﺼﺣﺘ .
[7] Je suis de l’avis du traducteur turc ; il a rendu les mots ﻼﻣﺟ  ﻼﻣﺟ  par  ﺔﭼﺭﺎﭙ  ﺔﭼﺭﺎﭙ « pièce par pièce ».
[8] Ce titre n’est pas indiqué dans le Dic­tionnaire bibliographique de Haddji Kha­lifa. On verra plus loin qu’il servait à dé­signer une collection de traités d’Aristote dans laquelle on avait fait entrer tout l’Or­ganon et l’Isagoge de Porphyre.
[9] L’auteur aurait dû écrire quatre, mais il a tenu compte de l’Isagoge. C’est proba­blement par mégarde qu’il a compté huit livres seulement dans le kitab el‑Fass ; d’après ses propres indications, il y en avait neuf.
[10] Il me semble que l’auteur aurait dû écrire de deux espèces.
[11] Il faut insérer, entre les mots ﺭﺎﺒﺗﻋﻻﺍ et ﺐﻮﻠﻁﻤ , le passage suivant :
ibn_III_153a
[12] Pour ﺀﺎﻣﻜﺤﻠﺍ , lisez ﺀﺎﻣﻜﺤ .
[13] Je lis ﻞﺻﻔﻠﺍﻮ  ﻉﻮﻨﻟﺍﻭ avec le manuscrit C et la traduction turque et tous les traités de logique.
[14] [css : cf. sur Gallica, les œuvres d’Aristote avec le commentaire d’Averroès, en latin].
[15] Notre auteur a déjà indiqué quelles étaient les sept sciences philosophiques. (Voy. ci-devant, page 123.)
[16] Selon les logiciens arabes, on désigne une chose par le genre et la différence les plus proches, ou par la différence la plus proche, soit seule, soit jointe au genre le plus éloigné, ou par le genre le plus proche joint à une propriété, ou par une pro­priété, soit seule, soit jointe à un genre éloigné. La définition ﻒﻳﺮﻌﺗ de la pre­mière classe s’appelle définition parfaite ﻢﺎﺗﻠﺍ ﺪﺣﻠﺍ ; celle de la deuxième classe, définition imparfaite ﺹﻗﺎﻨﻠﺍ ﺪﺣﻠﺍ ; celle de la troisième classe, description parfaite ﻢﺎﺗﻠﺍ ﻢﺴﺮﻠﺍ , et celle de la quatrième classe, ﺹﻗﺎﻨﻠﺍ ﻢﺴﺮﻠﺍ description imparfaite.
[17] Abou Abd Allah Mohammed Ibn Na­maouar el‑Khouendji, docteur chaféite et grand cadi d’Égypte, remplit les fonctions de professeur au collège Salehiya, et com­posa plusieurs ouvrages sur la logique. Il mourut en 642 (1245 de J. C.) ou en 649, selon Haddji Khalifa.
[18] Je suis porté, à croire qu’il faut lire dans le texte arabe ﻩﺭﺻﺗﺧﻣ à la place de ﺭﺻﺗﺧﻣ et traduire : « Son abrégé, le Djomel. » (Voy. le Dictionnaire bibliographique de Haddji Khalifa, tome II, p. 623 et tome VI, p. 399).
[19] Ce paragraphe et les paragraphes sui­vants portent en tête le mot ﻞﺻﻔ section, tant dans le manuscrit A que dans la tra­duction turque, et sont précédés par le mot ﺓﺪﻳﺎﻔ renseignement utile, dans le manuscrit C. Ils ne sont pas dans l’édition de Boulac.
[20] Voyez ci-devant, page 52.
[21] Les Acharites enseignaient que Dieu était savant au moyen d’un savoir, puissant au moyen d’une puissance et voulant au moyen d’une volonté qui lui étaient pro­pres. Les anciens docteurs de cette école employaient, pour démontrer ce principe, plusieurs arguments dont l’un était de juger de ce qui était absent ou invisible, par ce qui était présent, ou visible. Ils disaient, selon l’auteur du Mewakef, édi­tion de Leipsick, p. ۳۱, que la cause, la définition et la condition du présent s’ap­pliquent sans différence aucune à l’absent ; car il est certain que la cause qui rend savant un être présent, c’est le savoir, et qu’il en est de même pour l’être absent ; que la définition qui constate qu’un être est savant s’applique également à l’être présent et à l’être absent, et que la condi­tion qui assure la certitude de l’origine d’un homme présent, c’est la certitude de la racine d’où il sort, et cela est également vrai pour l’homme qui est absent. — Nous avons ici, il me semble, trois des liens dont parle Ibn Khaldoun ; quant au quatrième, je ne l’ai pas trouvé.
[22] Voyez le Guide des Égarés de Maï­monide, édition de M. Munk, vol. I, p. 376 et suiv.
[23] Le terme états s’employait par certains Motazelites et par quelques docteurs de l’école acharite pour désigner les univer­saux. « Ces docteurs admettaient, sinon comme êtres réels, du moins comme êtres possibles ou en puissance, certains types universels des choses créées. Ces types offrent quelque analogie avec les idées de Platon ; mais les docteurs musulmans, ne pouvant admettre l’existence d’êtres réels entre le Créateur et les individus créés, leur attribuent une condition inter­médiaire entre la réalité et la non‑réalité. Cet état possible, mais qu’il faut bien se garder de confondre avec la hylé d’Aris­tote, est désigné par le mot hal, qui si­gnifie condition, état ou circonstance. Ils appliquaient aussi leur théorie aux attri­buts divins en général, en disant que ces attributs ne sont ni l’essence de Dieu, ni quelque chose en dehors de son essence : ce sont des conditions ou des états qu’on ne reconnaît qu’avec l’essence qu’ils ser­vent à qualifier, mais qui, considérés en eux‑mêmes, ne sont ni existants ni non existants et dont on ne peut dire qu’on les connaît ni qu’on les ignore. » — (Mé­langes de philosophie juive et arabe par M. Munk, p. 327. Voy. aussi le Guide des Égarés, vol. I, p. 375 et suiv.) La défini­tion qu’ils donnent des universaux et qu’Ibn Khaldoun reproduit ici est longue­ment expliquée dans le Dictionary of tech­nical terms, p. ۹۵۳.
[24] Littéral. « des considérations de l’en­tendement ».
[25] Voy. la note de la page précédente.
[26] La cause intelligible est celle dont une chose a besoin pour exister.
[27] Notre auteur n’a pas rapporté exacte­ment ces termes techniques qui, du reste, sont employés également par les logiciens et par les grammairiens. Le terme générali­sation et empêchement indique que ce qui est affirmé par la définition doit être iden­tique avec ce que la chose définie donne à entendre, et le terme réunion et conversion signifie que ce qui est vrai de la chose définie doit être également vrai de la défi­nition de cette chose. Dans le premier cas, c’est l’accord de la définition avec la chose définie, et dans le second, c’est l’accord de la chose définie avec sa définition. — En attribuant au verbe ﺪﺮﻂ le sens de gé­néraliser, je suis l’autorité du commenta­teur des Séances de Hariri, p. ۵۴۳  l. 8 et 10 de l’édition de M. de Sacy. Ibn Khal­doun l’emploie aussi dans ce sens ; voy. Prolégomènes, texte arabe, t. I, p. 354, l. 3.
[28] Pour ﻢﺘﻟﺪﺍ , lisez ﻢﻬﺘﻟﺪﺍ  .
[29] Littéral. « des quiddités ». 

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